Le Département d’Enseignement de la Generalitat de Catalunya vient
d’annoncer des changements dans le programme de Littérature française que
suivent les élèves de Batxibac. Pour les cours 2010-2011 (1º année) et
2011-2012 (2º année), le sujet principal était “La ville de Paris” et les
oeuvres au programme étaient les “Tableaux parisiens” (section de Les fleurs du mal de Charles Baudelaire)
et le roman Une jeunesse de Patrick
Modiano.
C’est pourquoi nous sommes obligés de laisser de côté, provisoirement,
l’un des plus célèbres poètes français de tous les temps. Nous reproduissons
ci-dessous, comme un hommage particulier, le premier des tableaux parisiens,
avec un petit commentaire proposé aux élèves par le professeur de la matière.
Paysage
Je
veux, pour composer chastement mes églogues,Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde;
Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.
II est doux, à travers les brumes, de voir naître
L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre,
Les fleuves de charbon monter au firmament
Et la lune verser son pâle enchantement.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes;
Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,
Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,
Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.
L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,
Ne fera pas lever mon front de mon pupitre;
Car je serai plongé dans cette volupté
D'évoquer le Printemps avec ma volonté,
De tirer un soleil de mon coeur, et de faire
De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.
(Charles Baudelaire, Les fleurs du mal)
Commentaire
Dans ce premier poème de la
section “Tableaux parisiens”, appartenant à son chef-d’oeuvre Les fleurs du mal, Charles Baudelaire
nous présente un paysage que nous pouvons facilement identifier avec celui de
la ville de Paris au XIXème siècle, mais aussi son paysage intérieur,
c’est-à-dire, ses sentiments les plus intimes par rapport à la ville et à la
vie en général. Il aime voir la ville et entendre ses bruits, ses chants et ses
conversations d’une certaine hauteur, depuis sa mansarde, voisine des clochers.
Parmi toutes les saisons de l’année, il préfère l’hiver, parce qu’il lui permet
de se concentrer sur lui-même pour rêver un Printemps avec majuscule,
c’est-à-dire, un univers personnel, idéal, idyllique, celui de sa propre
création poétique. Il va même fermer les fenêtres pour que des mouvements
révolutionnaires tels que celui de 1848 ne réussissent pas à le distraire de son activité créatrice.
Dans ce poème, donc, Baudelaire ne s’engage pas dans la vie sociale et
politique de la ville, parce que pour le poète la ville est essentiellement un
paysage, un moyen pour échapper au spleen, pour rejoindre l’idéal de la
création poétique.
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